Ces derniers mois ont été comme d’habitude. Longs. Mornes. Les seules vagues étant les conséquences de ton agressivité quotidienne envers les autres. Envers toi-même, aussi, mais l’impact est moins… important, en quelque sorte. Tu as également essayer de réfléchir à ta situation, à ce qui pourrait la changer. Étudier en parallèle de ton boulot ou en changer complètement pour qu’il corresponde à tes compétences ? Problème, tu n’as pas de diplômes à montrer pour ce genre de postes et c’est indispensable. Tu ne peux pas te présenter comme ingénieur-chirurgien-prothésiste-bricoleur-inventeur-option faire revivre les morts avec « j’ai appris par moi-même » comme seul gage de la qualité (irrégulière, en plus) de ton travail. Donc voilà, c’est compliqué. Tu aimerais faire autre chose, ne pas être un boulet économique et social pour Lucas à l’avenir. Même si l’argent n’est pas un problème pour lui.

Tu attends avec impatience qu’il revienne, d’ailleurs, et ça allonge le temps d’une manière insupportable. Tu as bien sûr ranger l’appartement comme tu pouvais, même si ça devient extrêmement difficile de trouver comme imbriquer tes affaires les unes avec les autres dans des coins pas trop encombrants. Tu en as de plus en plus, et tu n’arrêtes pas de repousser les classements de tes papiers. Tu as commencé, c’est déjà ça. C’était y’a 8 mois mais c’est déjà ça. Il te faut un atelier, en fait, car sans ça tu es beaucoup trop invasif. Ta chambre ne suffit pas.

En général, lorsque Lucas rentre, il est toujours enjoué, calme, souriant. Lucas, quoi. Sa bonne humeur est une chose que tu apprécies bien que tu peines parfois à la comprendre. C’est pour ça que tu es très étonné quand il débarque en déposant ses affaires de la manière la plus brouillonne que tu n’aies jamais vu chez lui. Il est toujours bien composé, c’est bizarre. Son bonjour est hésitant, aussi. Tu penches la tête, curieux, avant de te rapprocher pour l’aider avec ses affaires.

« Bonjour. Ça va ? T’as l’air bizarre. »

Plus tu le regardes, plus tu le penses. Il est plus mince, il a des cernes, quelque chose à l’air de l’agiter.

« T’es malade ou juste stressé ? Si quelque chose va pas dans ton royaume on pouvait décaler le moment de se voir. »

Tu aurais été terriblement déçu mais il a des priorités à respecter.

Il est définitivement super bizarre. Tu le regardes passer une main dans ses cheveux pour la deuxième fois, avec une timidité vraiment rare chez lui. Il répète le dernier mot de ta phrase, et tu ne trouves qu’à répondre « Oui ?? » tant tu ne comprends pas ce qu’il se passe. « C’est pas ça va » ? ça veut dire quoi ? Vraiment, tu comprends pas. Tu lui rends son baiser, bien que ce soit rapide car tu t’écartes un peu pour l’observer plus en détail. Après un petit temps silencieux, tu réponds à sa question.

« Comme toujours. J’hésite à reprendre mes études, c’est pas simple. »

Tu hausses les épaules, l’air de dire que de toute façon tu n’y réfléchis pas très fort. Tu le suis ensuite dans la cuisine, où il commande asiatique tandis que tu prends une pochette de sang à siroter. Tu ne la bois pas tout de suite, le temps qu’elle se réchauffe un peu pour ne pas avoir à boire du sang gelé.

« T’es sûr que ça va ? T’as vraiment l’air perdu, tu sais. »

Bonne idée ou pas, il reste le problème financier. Ce qui est vraiment dommage, car tu sais que tu peux avancer avec une extrême rapidité dès que les choses te plaisent. Tu pourrais vite accéder à l’aspect recherche académique, vite trouver un meilleur métier. Hm… C’est aussi beaucoup de paperasse, de gérer ce changement. Tu verras ça plus tard.
Son sourire désolé, suivi d’un « ne t’inquiète pas, ça va », te rendent très méfiant. Il ne le dira pas si ça ne va pas, et sa réponse contredit son attitude. Tu fronces les sourcils, prêt à creuser davantage pour savoir ce qui le turlupine autant, quand il reprend la parole pour te demander quel domaine d’étude t’intéresserait.

« Médecine. Spécialité chirurgie pour commencer. Médecin légiste aussi. Y’a beaucoup de choses à explorer, en fait. »

Tout en parlant, tu regardes Lucas. Pour une fois, tes yeux arrêtent de parcourir tout sauf ton interlocuteur.

« T’es fatigué non ? »

Tu deviens peut-être trop insistant, mais c’est sa faute à dire que ça va alors qu’il a l’air au bout de sa vie.

Encore une fois ce n’est pas grave, et encore une fois tu penses le contraire ! Il devrait se reposer, envie de profiter de toi ou non. Toi aussi tu veux passer du temps avec lui, mais tu préfères le voir plus en forme que ça. Tu soupires et lèves les yeux au ciel quand il fait ses yeux de chien battu, tout en te blottissant contre lui.

« C’est pas mal, mais repose toi bon sang. »

Quand ça sonne tu t’écartes pour le laisser partir. Tu en te doutes pas le moins du monde de son petit manège avec la bague. Il est bizarre, à l’ouest et fatigué, mais tu es loin de te douter de ce qu’il prépare. Une fois qu’il est revenu, tu réfléchis.

« Tu veux qu’on regarde un film ? Tu pourras te reposer devant. »

Si lui aussi s’endort devant, vous allez passer la nuit sur le canapé mais cette perspective ne t’embête pas trop. Tu as l’habitude de dormir dans des endroits improbables, le canapé est l’une des options les plus confortables. Sauf quand c’est le bordel. Tu t’es déjà endormi dessus alors qu’il y avait un microscope perdu dans le plaid, ça fait très mal au dos.

« Sauf si tu préfères aller te reposer au lit. Ça m’est égal. »

Tant mieux si ça lui va tant qu’il est avec toi, et qu’il se repose un peu au final. Suite à l’accident de la dernière fois, tu n’as aucune confiance en le site de streaming, et tu hésites un long moment avant de répondre.

« Un film d’horreur ce serait cool comme on a pas pu en voir la dernière fois. Faut juste pas que ça mette le même truc bizarre à l’écran. »

Tu le laisses choisir pour la suite car il s’y connaît mieux que toi en films. Tu t’es bien renseigné de ton côté mais tu n’en as pas regardé beaucoup. Tu ne trouves pas le temps, et tu ne sais pas vraiment comment faire. La programmation robotique semble plus simple, par exemple. Elle est surtout plus intéressante.
Une fois le film lancé, tu t’installes plus confortablement à côté de Lucas pour un visionnage qui devrait être assez drôle. Tu sais que ce n’est pas censé être l’effet escompté, mais tu n’y peux rien, ça te fait rire.

Lucas ne tarde pas à s’endormir une fois le film commencé. Ce n’était qu’une question de temps, car à peine les images ont défilé qu’il a piqué du nez. Il a sursauté, aussi, tandis que toi tu t’amusais du timing bien cadré des scènes. C’est ce que que tu continues à faire ensuite, te blottissant un peu plus contre Lucas. Ses oreilles te chatouillent le cou, et tu dois faire un effort pour ne pas trop t’agiter à cause de ça. Ce serait bête de réveiller Lucas juste parce que t’es un peu chatouilleux. Tu profites du reste du film en silence pour ne pas réveiller ton petit ami. Enfin, tu essaies. C’est très difficile de ne pas faire de commentaire, ou de ne rire, ou de ne pas proposer des alternatives aux choix qui sont faits. Tes alternatives concernent surtout les manières de découper des gens, mais c’est un détail. Bien sûr, tu ne t’amuses pas à couper des gens toi-même.

Au bout d’un moment, la somnolence s’installe et tu ne luttes pas longtemps. Tu ne luttes jamais longtemps contre elle de toute façon, encore moins avec Lucas pour te tenir chaud contre lui. Quelques minutes plus tard, tu es déjà dans un sommeil lourd qui n’est même pas perturbé par ta mauvaise position. Ou par le fait que tu glisses du canapé. Ou que tu bouges dans ton sommeil en général et que ce n’est pas pratique pour Lucas. Il n’empêche que tu finis par trouver une position assez confortable pour partir sur une nuit complète.

Le lendemain, tu te réveilles roulé en boule sous une couette. What, c’était pas là hier. Pas plus perturbé que ça, tu t’y emmitoufles mieux pour te redresser sans subir le froid du réveil. Décoincer en douceur, trouver l’énergie de bouger après avoir passé une nuit sur le canapé au lieu d’un lit bien plus agréable. Lucas est déjà réveillé, évidemment. Tu tournes la tête vers lui quand il te parle pour te demander si tu as bien dormi et si tu as faim. Il est tendu, mais dans ta léthargie, tu te dis que c’est normal car il s’est réveillé tôt.

« Hm hey. Ouais. Sinon non, pas trop. »

Tu t’étires, tordant tes bras dans des sens improbables, avant de les ranger à nouveau dans la couette et d’aller rejoindre Lucas. Encore ensommeillé, tu l’embrasses à côté de la bouche sans t’en rendre compte.

« Tu veux faire quoi aujourd’hui ? Un truc tranquille ? »

Pour qu’il continue de se reposer. Il a l’air mieux mais tendu. C’est plutôt particulier, d’habitude il se détend plus vite lorsqu’il est ici. Tu pars du principes qu’il n’a pas bien dormi cette nuit, et qu’il devrait donc éviter de trop bouger partout.

Tu hoches la tête à sa proposition, content à l’idée de passer du temps dans l’eau avec lui. En plus, la piscine est dans un état bien meilleur que la dernière fois ! Tu as fait attention à ne rien faire tomber dedans, ou à bien récupérer l’objet si ça arrivait. Heureusement, d’ailleurs, parce que Lucas a l’air assez fatigué comme ça pour que tu l’embêtes avec des bêtises pareilles. Tu vas te changer, et lorsque tu reviens, Lucas te détaille de la tête aux pieds. Ça te gêne, alors tu le pousses dans l’eau en passant à côté de lui. Ce n’est pas méchant, ton sourire taquin le montre.

« Oups, mon bras a dérapé. »

Tu te glisses ensuite dans l’eau pour le rejoindre, nageant à côté de lui le temps qu’il sorte la tête de l’eau.
Vous profitez de ce temps tranquille dans l’eau, pendant lequel tu passes plusieurs longues minutes sous l’eau de temps en temps. Bien sûr, tu restes aussi majoritairement la tête hors de l’eau pour pouvoir être avec Lucas.

Tu ne savais pas à quoi t’attendre comme vengeance, et tu dois admettre que celle-ci n’est pas déplaisante du tout. Quand tu reviens vers Lucas, il t’attire vers lui pour t’embrasser longuement. Tu lui rends son baiser, puis tu es surpris quand il te pousse contre la paroi pour passer ses mains sur ton torse. Que que quoi attends t’es complètement perdu ! Le rouge te monte aux joues avec une telle rapidité que la chaleur qui s’y trouve devrait suffire à réchauffer l’entièreté de la piscine. Le geste n’est pas désagréable du tout, mais tu restes embarrassé par la surprise. Ça et le fait que tu ne sais pas du tout comment réagir. Alors tu bafouilles, c’est tout.

« T-t-t’as dé,t’as dérapé, ah bon ??!! »

Lui, il te tire la langue et il retourne nager comme si de rien n’était. Mettant ton embarras de côté, tu plonges à nouveau sous l’eau pour nager. Tu as bien évidemment un plan derrière la tête, tu ne vas pas te contenter de faire la larve dans l’eau après ça. Tu attends que vous soyez proches pour glisser tes mains sur sa peau et finir par passer tes bras sur ses épaules, étant face à lui.

« C’était pas très sympa ce que t’as fait, dis. C’est comme si moi je faisais, je sais pas, ça. »

Tes doigts descendent le long de son dos, avant de s’arrêter à temps pour passer sur son ventre, puis son torse. Au bout du compte, après ces caresses, tu finis par t’appuyer sur lui comme sur une bouée. Pas la même ambiance.

Un petit sourire satisfait, presque prédateur, s’affiche sur ton visage en voyant Lucas rougir. Tu soutiens son regard pour un temps presque raisonnable avant de regarder ailleurs. Lui, il passe son bras autour de ta taille pour te rapprocher de lui. Encore mieux. Tu t’appuies sur lui parce que tu as la flemme de faire l’effort de rester à flot, c’est cool s’il décide de t soutenir de lui-même. Il en profite pour t’embrasser passionnément, et ton sourire s’agrandit un peu plus.

« Hm hm, je vois ça. »

Il tient ses engagements, et toi tu le tentes à être tactile. T’es vraiment le pire. Enfin, tu vois ça comme un petit jeu qui ne demande rien de très sérieux. Tu ne peux pas t’empêcher de rire un peu quand il te demande si tu coules s’il te lâche.

« T’as déjà vu une sangsue couler ? Je voulais juste me reposer sur toi. »

Lucas est naïf, parfois, mine de rien.

Ah, oui, c’est vrai. Évidemment qu’il n’a jamais pu observer de sangsue, le climat de son pays n’est pas du tout propice à cette espèce. Sans la montre régulatrice, tu ne pourrais pas y survivre une minute.
Lucas finit par te lâcher, et tu reprends ta nage dans le bassin. Le regard de Lucas ne t’échappe pas, et tu lui souris aussi, rapidement, avant de plonger sous l’eau pour nager tout au fond de la piscine. Au bout d’un moment, tu retournes au bord pour respirer, un peu essoufflé de ne pas être remonté depuis une dizaine de minutes. Tu n’as aucune idée de l’heure qu’il est, mais tu commences à avoir un peu froid alors tu sors de l’eau.

« Fait froid, maintenant. »

C’est tout ce que tu donnes comme explication avant d’aller t’enrouler dans ta serviette.

« Il est quelle heure ? Je sais pas toi mais j’ai faim. »

En même temps, tu n’as rien mangé depuis la veille. C’est un miracle que tu n’aies pas fait de malaise dans l’eau.

Si tu as conscience qu’il fait super chaud ? Tu frissonnes rien qu’en entendant la question ! Il ne fait jamais chaud au sortir de l’eau, déjà. Encore moins quand la température est basse en dehors. Donc tu secoues la tête, dépité par sa question. La suivante demande une réponse plus construite, et tu réfléchis donc avant de dire :

« L’envie la plus particulière que je puisse avoir, c’est toi. …Mais je sais pas, autrement, un truc solide ? »

On a rarement vu si précis, woaw.

« De la viande ? Je sais pas trop ce qu’il y a dans le frigo, en fait. »

Tu vis ici mais tu te préoccupes trop peu de la bouffe pour te soucier du contenu des placards. C’est pas sérieux du tout. Tu laisses donc Lucas choisir, tandis que tu vas te doucher pour te réchauffer. Ensuite, tu le rejoins, propre mais pas coiffé. T’es habillé, c’est déjà ça.

« T’as pas froid, encore en maillot ? »

Enfin, tu ne vas pas t’en plaindre, la vue est très belle. Par contre… Il a perdu du poids, non ? Tu ne l’avais pas vu avant.

« Euhm, je suis mal placé pour parler de ça mais t’as perdu du poids. Tu fais des pauses dans ton travail, parfois ? »

Ben oui, pour toi c’est à cause de son travail.